mardi 8 octobre 2024
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De la contradiction entre alcool et construction d’un mouvement révolutionnaire

L’alcool, parfois appelé « nectar des dieux » et l’un des fléaux suprêmes des sociétés occidentales. Les avis sur la question divergent, mais le sujet laisse rarement indifférent.

Nous n’allons pas tenter de développer ici une pensée scientifique sur le sujet, d’autres l’ont déjà fait avant nous, et probablement bien mieux. L’objectif de cette tribune n’est pas non plus d’appeler à une sobriété stricte ou d’écrire de vaines injonctions à rejoindre le mouvement straight-edge, pas plus que d’émettre une critique des camarades étant tombés ou tombant dans cette addiction pour des raisons qui leur sont propres. Nous ne tenterons pas non plus d’analyser les effets de l’alcool sur les masses.

Non, nous avons choisi de centrer nos réflexions sur la place de l’alcool au sein des cercles militants. Notre objectif est ainsi de provoquer des discussions chez les militants, individuelles ou collectives, avant de nous pencher sur l’alcool comme outil de contrôle et de maintien social d’ampleur.

En effet, l’alcool est un poison. C’est un poison pour la santé, physique mais aussi psychologique. L’alcool provoque des cancers, est un facteur à risque dans le déclenchement de maladies cardio-vasculaires, des cirrhoses et maladies digestives. L’alcool est un facteur favorisant de la dépression, et provoque selon les études 8.000 suicides par an en France. Des études démontrent aussi que ceux qui souffrent le plus de ce fléau sont issus de la classe populaire, des régions désindustrialisées.

L’alcool est certes un « paradis artificiel » utilisé comme tel pour se détacher de la misère du monde, mais il attaque surtout la combativité des nôtres, notre détermination et notre force. Oublier la laideur du monde capitaliste grâce à quelque chose qui empêche de le combattre, c’est tout le paradoxe des drogues.

En effet, ivre, comment être prêt à mener des activités révolutionnaires sans mettre en danger nos camarades, nos organisations, et évidemment nous-même ? Ivre, comment se retenir de donner les informations dangereuses pour nous et nos camarades face aux questions des serviteurs du pouvoir bourgeois ?

L’alcool n’est en réalité pas le ciment de la camaraderie comme on aimerait parfois le voir, comme trop d’entre nous l’utilisons ou avons pu l’utiliser. Le sport, les discussions, la formation, l’action. Tout cela sont des ciments de la cohésion, de la camaraderie, tout cela solidifie nos armes : la confiance réciproque que nous nous vouons et notre solidarité.

Le problème peut aussi être abordé du point de vue des masses : comment gagner leur confiance si nous sommes la moitié de notre temps personnel, voire militant, incapables d’assumer physiquement et psychologiquement les promesses que nous leur faisons ?

Ce texte n’a pas vocation à lancer une guerre à l’alcool dans les milieux révolutionnaires : en effet nous pensons que celle-ci viendra d’elle-même, comme l’expérience des révolutionnaires soviétiques détruisant en 1917 les stocks d’alcool tsaristes, sous l’impulsion du camarade Markine, le montre. Cette tribune entend replacer au coeur de nos organisations la question collective de nos rapports à l’alcool, remettre en cause la « biture » comme activité amusante à pratiquer entre camarades ou néo-camarades, interroger l’image et les valeurs que nous renvoyons lorsqu’un debrief post-manifestation est effectué une bière à la main ou qu’une réunion publique se poursuit en terrasse de la moitié des bars de la ville.

Nous avons conscience que l’alcool est un pansement, un médicament (mauvais certes mais médicament tout de même) pour de nombreuses personnes, dont des camarades. À cela nous répondons que nos meilleures armes sont les mêmes que face au capitalisme : le soutien réciproque, l’accompagnement, la volonté de s’enrichir et de se rendre meilleur les uns (et les unes) les autres. Questionner la place de l’alcool ce n’est pas clouer au pilori les camarades alcooliques, mais proposer et accepter d’effectuer les réunions hors du bar, ce n’est pas rejeter toute confiance naissante entre camarades mais fonder celle-ci sur des jeux (sans alcool) ou du sport par exemple. Il n’y a rien de facile dans la lutte contre l’alcool, ses ravages, son addiction, mais il n’est nulle lutte que nous ne pouvons gagner, et c’est armés de cette certitude que nous sommes convaincus que notre lutte révolutionnaire ne peut sortir qu’enrichie de cette démarche.

Soutenons-nous, ne nous voilons pas la face sur nos défauts, nos insuffisances et nos manquements, combattons-les, et construisons notre conscience de classe et notre parti de masse sur des bases saines.

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