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Elections législatives : l’expression de la crise du Régime

Le bal électoral réactionnaire se termine. Son résultat est sans appel : le régime politique bourgeois est en crise profonde. Seulement 46 % des inscrits se sont rendus aux urnes, le reste des résultats se divise entre diverses fractions de la bourgeoisie. Pourtant, le battage médiatique et les faux espoirs des opportunistes et révisionnistes de la NUPES auraient pu faire croire qu’il y aurait une mobilisation lors de ces élections. Il n’en fut rien. Encore une fois, les crises nous permettent d’aller au fond des choses, de déterminer le principal et le secondaire, de comprendre les contradictions au sein du peuple.

Le “parti” de Macron, champion de la grande bourgeoisie, n’a pas obtenu la majorité absolue, cela signifie que pour passer les lois réactionnaires et de restructuration du capitalisme, il va devoir composer avec d’autres forces bourgeoises. Ces forces, pour légitimer leurs existences, vont devoir s’opposer au toujours plus impopulaire Président de la République. La politique française va donc être marquée par une instabilité croissante. En fin de compte, les futures guerres de chapelles vont réveler encore plus aux Masses le caractère anti-peuple de cette assemblée, ainsi que son caractère de classe qui se manifeste dans son rôle, servant à masquer la dictature des monopoles, des banques et des boursicoteurs.

Le reflet de la crise mondiale

La crise du Régime politique bourgeois fait partie de la crise générale du système économique mondial. Pour comprendre le résultat des élections de 2022, il faut saisir que la base de notre société est le mode de production économique, c’est-à-dire qui accapare et jouit de la richesse produite collectivement par les travailleurs. Le capitalisme, comme toute chose, est une contradiction, c’est-à-dire que les ouvriers dans le monde produisent collectivement la richesse, mais cette richesse est expropriée par une poignée de capitalistes. Le lien dialectique qui unit cette contradiction, c’est la lutte des classes. Les ouvriers et travailleurs luttent pour arracher une plus grande partie de leur richesse produite aux capitalistes, qui eux veulent encore plus exploiter pour générer toujours plus de profits. C’est la contradiction entre exploités et exploiteurs, qui est le vrai moteur de l’Histoire, car elle est le résultat de la lutte séculaire des Masses contre l’oppression pour vivre mieux.

Nous devons donc comprendre que l’immensité des richesses produites ne signifie pas forcément un haut degré de civilisation et de bien-être, mais plutôt l’exploitation féroce qui écrase les producteurs. Le monde n’a jamais produit autant de marchandises, et pourtant une grande majorité de la population vit dans des conditions difficiles, voire très difficiles.

La phase actuelle du capitalisme se nomme l’impérialisme, car une poignée de pays – et dans ces pays une poignée de capitalistes -, dominent par tous les moyens possibles les pays dit « sous-développés », afin de voler leurs matières premières et de contrôler leurs marchés. Le sous-développement des pays du « tiers-monde » n’est pas une fatalité historique ou culturelle, mais le résultat de cette immense machine à voler la richesse de la majorité de l’humanité.

La base du système est la production de marchandises et leur vente. Le problème, c’est qu’il y a une inégalité entre les marchandises produites et la capacité des Masses du monde à les acheter. Les capitalistes doivent payer le moins possible leurs ouvriers, mais en même temps ils doivent leur vendre les marchandises produites. Il est simple de comprendre que si un travailleur n’a pas d’argent, il n’achète pas ; et la marchandise a été donc produite à perte pour le capitaliste, elle va s’accumuler dans d’immense stock d’invendus. Nous disons, alors, qu’il y a surproduction relative de marchandises, c’est-à-dire qu’il n’y a pas assez d’acheteurs pour absorber la production. C’est le cœur de la crise actuelle mondiale, et c’est pour cela que le capitalisme est un système condamné car il ne peut sortir de cette contradiction. La France est une puissance impérialiste en crise de longue date : sa base industrielle a fondu comme peau de chagrin, une partie de sa population s’est paupérisée et n’est maintenue dans le calme que par le micro-transfert de la richesse volée aux ouvriers (les aides sociales). Ses positions à l’étranger sont durement attaquées, elle perd pied en Afrique, et sa volonté d’apparaitre entre la Russie et les USA au milieu la crise en Ukraine se solde par un fiasco. Par sa contradiction de puissance impérialiste moyenne en crise, qui s’exprime dans la nécessité de maintenir son rang d’un côté, et de l’autre de tenir les Masses, se crée une grande situation d’instabilité. Cette crise vient accélérer la lutte des classes, car elle crée les conditions pour que les Masses se mettent de manière déterminée en marche pour conquérir ce qui leur revient de droit. Les révoltes des banlieues en 2005, les Gilets Jaunes en 2018-2019, les luttes sociales et les centaines de grèves perlées sont l’expression de la lutte des classes, et seulement de celle-ci.

On pourrait se demander en quoi la crise du système mondial de domination a à voir avec la crise de Régime que connait la France. Comprenons que notre façon de penser, les institutions dominant la société et en premier lieu l’Etat – ce que nous nommons la superstructure – est le reflet de la base matérielle, c’est-à-dire comme nous l’avons vu, l’impérialisme. Si celui-ci est en crise, alors la superstructure est forcément en crise. Cette crise est directement le résultat de la lutte des classes au niveau mondial, mais principalement en France. La population s’appauvrit, les salaires réels baissent (à cause de l’inflation), l’exploitation s’accentue ; en un mot, les conditions de vie sont de plus en plus difficiles. Tout cela exacerbe la lutte et se réfléchit sur l’idéologie dominante, sur la politique, sur la culture, dans l’Etat, etc. Plus le système est en crise, plus il accentue son pouvoir politique, économique, culturel et social sur les Masses, plus il aggrave sa propre situation.

La réactionnarisation de la société est le résultat de la tentative désespérée de continuer comme si rien ne se passait. C’est une tentative vaine de maintenir le système de domination en place, car quand on a plus de quoi vivre, on se rebelle. La réactionnarisation, la « droitisation », c’est l’expression de la lutte des classes qui se concrétise par l’accentuation du pouvoir de l’impérialisme sur les Masses, la destruction de nos acquis sociaux et la baisse de nos salaires réels. C’est l’expression du pouvoir économique, l’effondrement culturel et social en est un autre aspect.

Il ne faut pas penser que cela est un signe de force de l’impérialisme, bien au contraire c’est un signe de pourrissement de tout le système.

Les élections, comme dispositif central visant à masquer le système de do

mination, c’est-à-dire la dictature de l’oligarchie capitalo-bancaire, révèle avec la crise son vrai visage. C’est pour cela que les résultats sont directement l’expression concrète de la lutte des classes dans les idées.

La Ve République, un régime anti-démocratique

Outre le fait qu’elle possède un caractère de classe, rien dans ce régime n’est démocratique. La Ve République, le régime actuel en France, est le résultat d’un coup d’Etat de la bourgeoisie impérialiste pour tenter d’en finir avec le régime de la IVe République, jugé trop instable pour la restructuration économique de la France lors de la période des décolonisations. Là aussi, la lutte des classes, qui avait comme forme principale la lutte contre le vieux colonialisme, est venue bouleverser la superstructure politique. Aujourd’hui, ce Régime est entré dans une crise profonde qui est le résultat de la lutte des classes au niveau français et mondial.

La Ve République, enfant des fractions les plus réactionnaires de la bourgeoisie, est d’essence Bonapartiste. L’Histoire de France récente est une contradiction entre Révolution et réaction : la tradition puissamment révolutionnaire des Masses de France a comme opposé une classe dominante ultraréactionnaire. C’est une constante depuis 1789, et pour cause, les classes dominantes craignent les classes populaires françaises. Ils ont peur de leur politisation et avant tout de la guerre civile qui pourrait renverser l’ordre établi. Cette situation a accouché d’un remède réactionnaire, le Bonapartisme. C’est-à-dire un régime de compromis entre les factions de la bourgeoisie, avec un chef charismatique et surtout une politique se voulant au-dessus des partis et des classes, une politique pour la nation, tout cela enrobé dans un contenu social, « glorieux » et Républicain. Ce mode de gouvernement peut bien fonctionner si la lutte des classes est partiellement en sommeil et s’il y a un chef pour mener la barque, car sinon ce Régime censé assurer la stabilité se transforme en son parfait inverse. C’est ce que nous sommes en train de vivre.

La Ve République n’est pas en crise depuis dimanche dernier, mais depuis le début, en lien avec le début de la seconde crise générale du système mondial de domination. Les diverses cohabitations entre un Président de « gauche » et un Parlement de droite par le passé ont été l’expression politique de la crise. Pour éviter ces périodes d’instabilité, et ne voulant en aucun cas réformer le Régime, ils ont fusionné les élections présidentielles avec les élections législatives, sous le mandat Chirac. Le résultat ne s’est pas fait attendre : les élections législatives, qui étaient devenues le moyen de valider ou non une politique, ont perdu tout intérêt politique. Au lieu d’arranger leur situation, ils l’ont aggravé.

Le caractère présidentiel du Régime a mené au fait que le Président a tous les pouvoirs… ce qui accentue le fossé entre politiciens et administrés. Un Sarkozy tout-puissant, un Hollande anecdotique, et un Macron haï de tous auront profondément sapé l’autorité de l’Etat. La France, sans un Etat puissant et respecté, c’est-à-dire sans autorité, est une poudrière, c’est le résultat du rapport contradictoire entre le Peuple et ses institutions, qui est le reflet de la lutte des classes en France. Le mouvement récent contre le passe sanitaire et contre la vaccination obligatoire est le reflet de la perte de l’autorité de l’Etat et des institutions dans les Masses.

Toute la culture politique française et l’imaginaire qui en découle est bâti sur la Grande Révolution bourgeoise de 1789, où la souveraineté du peuple sur les institutions a été proclamée. Si ce “pacte’ est rompu, alors les passions politiques vont se déchaîner. Le gouvernement, confondu avec l’Etat, est vécu comme illégitime. L’augmentation des attaques contre les élus est la preuve éclatante d’un retour de la lutte des classes qui se passe aussi sur le terrain politique.

La bourgeoisie voudrait que l’Etat soit considéré comme étant neutre, mais l’Histoire a fait que l’Etat est vécu comme partisan pour les Français. Le caractère présidentiel de la Ve République, vu comme nécessaire par la bourgeoisie pour combattre “l’anarchisme” des Français, ne fait qu’accentuer cette situation.

La nécessité de l’accélération de la restructuration capitaliste crée la base pour une instabilité historique dans le pays. La bourgeoisie monopoliste, détenant les vraies rênes du pouvoir, n’a pas le temps : il faut avancer à marche forcée, détruire le modèle social issu de la Guerre de Résistance de Libération Nationale Antifasciste, qui était gage de sa propre stabilité.

Une fois enlevé le caractère social, il ne reste à l’Etat que son caractère répressif. En fin de compte, avec la crise, l’Etat dévoile son aspect principal en se montrant comme instrument de la dictature de la minorité sur la majorité.

L’aspect de crise est encore plus renforcé par le système électoral, qui est profondément anti-démocratique. Il favorise le parti qui l’emporte à l’échelle nationale, en lui offrant un nombre de sièges proportionnellement plus important que le nombre de suffrages obtenus. Malgré cela, malgré le battage médiatique, malgré la puissance du capital, le parti présidentiel est loin d’avoir atteint la majorité absolue qui lui aurait permis de gouverner sans entrave. Il est clair que le mandat qui vient va encore plus révéler le caractère de classe du Parlement, le caractère de Parti unique des formations présentes en son sein, et accentuer l’instabilité. Le Régime est en crise et il s’affaiblit, le mouvement populaire doit passer à l’offensive.

Lutte des classes, croissance du mouvement populaire et tâches des révolutionnaires

La lutte des classes en France s’accentue chaque jour, c’est le résultat de la contradiction entre travail et capital. L’inflation, qui n’est autre que la baisse de notre salaire réel, va augmenter les luttes dans le cœur du prolétariat, la classe ouvrière produisant directement les marchandises. En avril, la hausse des prix atteignait 4,8 % sur un an, ce qui constituait déjà un record, depuis, cette fois, le mois de novembre 1985. Elle s’explique largement par l’accélération des prix de l’énergie (+27,8 % en mai après +26,5 %), des services (+3,2 % après +3 %), de l’alimentation (+4,3 % après +3,8 %) et des produits manufacturés (+3 % après +2,6 %). La hausse des prix a, en effet, continué à exploser en mai, à 5,2% sur un an, selon les derniers chiffres de l’Insee. De l’autre côté, les salaires ont augmenté entre 2,5 et 3,5 %, et sont donc bien inférieurs à l’inflation. L’inflation, c’est le moyen pour les patrons de nous faire payer la crise en baissant nos salaires, mais la classe ouvrière et le prolétariat ne se laissent pas faire. Les mouvements de grève se propagent dans tous les secteurs de l’économie pour des hausses de salaires. Ces luttes vont élever le niveau de conscience, surtout que près des deux tiers des employés/ouvriers ne sont pas allés voter, c’est-à-dire qu’ils sont partiellement détachés du jeu parlementaire, et donc moins contrôlés par la domination.

C’est donc un moment important, car ces grèves vont toucher la contradiction même du système, et vont surtout être la base matérielle nécessaire à la politisation des luttes économiques. Le grand Karl Marx nous a bien expliqué le bond nécessaire que doit faire le mouvement ouvrier pour passer des luttes économiques à la lutte politique, c’est-à-dire à la question du pouvoir, à la question de la conquête de l’Etat :

«  Par exemple, la tentative de forcer des capitalistes, au moyen de grèves, etc., dans telle ou telle usine ou branche d’industrie, à réduire le temps de travail, est un mouvement purement économique [nous sommes entrés dans cette période d’intense luttes économiques au moyen de la grève]; au contraire, le mouvement ayant pour but de faire édicter une loi des huit heures, etc., est un mouvement politique.

Et c’est ainsi que partout les mouvements économiques isolés des ouvriers donnent naissance à un mouvement politique, c’est-à-dire un mouvement de la classe pour réaliser ses intérêts sous une forme générale, une forme qui possède une force générale socialement contraignante.

Si ces mouvements supposent une certaine organisation préalable, ils sont tout autant à leur tour des moyens de développer cette organisation.

Là où la classe ouvrière n’est pas encore allée assez avant dans son organisation pour entreprendre une campagne décisive contre la force collective, c’est-à-dire la force politique des classes dominantes, elle doit en tout cas être éduquée en vue de cela par une agitation continue contre l’attitude hostile à notre égard qu’observent en politique les classes dominantes.

Dans le cas contraire, elle reste aux mains de celles-là une balle à jouer. »

Karl Marx, Lettre à F. Bolte, 23 novembre 1871

La tâche des révolutionnaires est claire : mobiliser les Masses autour des questions économiques, les organiser pour lutter et les politiser, c’est-à-dire leur faire comprendre que la seule question de l’époque est la lutte entre la force collective organisée du Prolétariat et la force collective organisée de la bourgeoisie. Le cadre, c’est la lutte pour le pouvoir d’Etat.

Intervenir et participer aux piquets de grève, organiser des comités contre la vie chère, voilà nos perspectives politiques dans les années à venir. Le patronat ne pouvant lâcher que des miettes, les luttes vont être dures !

Cette situation va se coupler avec l’appauvrissement des couches intermédiaires, elles aussi rongées par l’inflation, alors que dans les Masses les plus profondes, la misère va augmenter.

La tactique des révolutionnaires de France est de lutter pour l’unité entre les révoltes des banlieues de 2005 (prolétariat profond), les Gilets Jaunes (couches intermédiaires en paupérisation) et les grèves dans l’industrie (cœur du prolétariat), en profitant de l’instabilité du régime politique et de la répression qui vont s’accentuer de manière rapide durant ce quinquennat.

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