mardi 23 avril 2024
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Emmanuel Macron : l’ennemi principal du peuple

L’éditorial de mars-avril, à retrouver prochainement dans la version imprimée de Nouvelle Epoque n°2.

Nous sommes beaucoup, à gauche, à penser que les politiciens les plus dangereux pour nos libertés sont ceux d’extrême-droite, comme Le Pen ou Zemmour. Bien qu’ils diffusent un venin ultraréactionnaire dans les masses, ils ne peuvent être le danger principal, tout simplement parce qu’ils n’ont pas le pouvoir et que la situation n’est pas mûre. Pour comprendre notre époque, notre société et les forces qui s’y meuvent, il faut comprendre que le véritable pouvoir est entre les mains de ceux qui tiennent les fils de la Bourse. Comme nous l’a appris le Grand Lénine, “la force du capital est tout, la Bourse est tout, tandis que le Parlement et les élections ne sont que des marionnettes, des pantins”. Cela signifie que le vrai pouvoir est entre les mains des grandes entreprises et des monopoles, du CAC-40 et des banques. Les gouvernements, les députés et les sénateurs ne sont que la représentation d’une forme ou d’une autre des grands monopoles financiers. Macron est, assurément, le pantin préféré des grands patrons français. Il est le principal représentant de la bourgeoisie impérialiste dans notre pays, et c’est lui son porte-parole à l’étranger.

Emmanuel Macron a rempli d’une façon magistrale le mandat que lui avaient confié les entreprises et les banques, la bourse a donc confiance en lui. Il a réussi à vendre à la population l’arnaque du soutien de l’économie par l’endettement massif lors de la crise du COVID-19, avec le fameux “quoi qu’il en coûte”. C’est une immense escroquerie, car il y a forcément un coût à l’endettement massif du pays, et c’est sur les épaules du prolétariat que cela va retomber. La création d’argent n’est pas magique. Notre cher président a continué à détruire le code du travail et l’assurance chômage, il a supprimé l’Impôt sur la Fortune, accentué la privatisation de la SNCF et a fait voter la loi contre les “séparatismes” visant directement l’islam, religion d’une partie du prolétariat de France. Il a montré toute l’arrogance et la détermination de la bourgeoisie lors des Gilets Jaunes, en usant de la force publique pour écraser et étouffer la contestation. Il a donné plus d’autonomie aux forces de police, achetant leur discipline. N’oublions pas, surtout, qu’il a été le Président du réarmement, avec un appui total à l’armée et à l’industrie de la guerre. Il a tenté de renforcer l’Europe, en collusion et en lutte avec l’Allemagne, pour que l’impérialisme français ne décroche pas totalement.

L’accélération historique que nous vivons depuis le début de la pandémie – comme le montre l’actualité brulante qu’est la guerre en Ukraine -, ne pousse pas la grande bourgeoisie à l’aventure, mais à la stabilité efficace pour continuer de restructurer l’économie. C’est-à-dire qu’elle veut continuer à détruire nos acquis de civilisation gagnés par les luttes du prolétariat : le code du travail, la retraite, l’assurance chômage, la sécurité sociale, etc. Cette grande restructuration implique un soutien actif de l’Etat en tant que gouvernail et des financements massifs dans tel ou tel secteur. Il n’est pas anodin que la fin du mandat se place sur le terrain de la renucléarisation massive de l’Hexagone, avec la promesse de construction d’un nombre gigantesque de réacteurs. Le plan “France 2030” est aussi un grand acte de restructuration qui mise sur les industries de pointe, nécessitant peu de main-d’œuvre. Cela promet encore plus d’exploitation et de chômage pour la classe ouvrière. Nous voyons un exemple frappant de la contradiction du capitalisme, qui a besoin qu’on achète ses marchandises, mais qui doit toujours plus réduire la force de travail – tout en produisant plus ! -, et donc le nombre d’acheteurs.

Macron sera réélu car il a donné la preuve de son abnégation à servir ses maîtres et est le seul apte à assumer la gestion du chaos qui va arriver, du point de vue de la bourgeoisie.

La bourgeoisie ne déstabilisera pas le pays avec des aventures fascisantes, elle n’en a pas besoin aujourd’hui. L’option “russe” de Zemmour et de Le Pen visant à concurrencer la superpuissance ultra-hégémonique Américaine est une non-option pour l’immense majorité de la grande bourgeoisie française, surtout depuis la guerre en Ukraine. La France n’a pas les épaules de s’opposer aux USA ; au contraire, elle doit suivre, s’intégrer, tout en luttant pour tenter de conquérir un pré-carré. La lutte inter-impérialiste n’est pas un conte pour enfants, elle est âpre, il n’y a pas de cadeaux.

Il faut comprendre que l’option fasciste n’arrive que quand le pays est déjà déstabilisé par une lutte des classes aigüe, lorsque le prolétariat se pose en concurrent direct au pouvoir. Cela arrivera, mais pas tout de suite. Les forces subjectives pour mener la Révolution – c’est-à-dire le prolétariat organisé pour prendre le pouvoir – sont encore à l’état embryonnaire.

Aujourd’hui, notre principal ennemi, le plus virulent, le plus dangereux, le plus réactionnaire pour nos droits, c’est Macron. L’activisme gauchiste contre Zemmour ou Le Pen ne fait que renforcer le rôle de Macron comme dispositif d’équilibre et de stabilité. Pourquoi s’attaquer seulement à Zemmour quand c’est Macron qui dirige le pays depuis cinq ans et qu’il a de très grandes chances d’être réélu ?

Notre président actuel est l’artisan de la réactionnarisation du pays. Ce n’est pas Zemmour ni Le Pen qui pavent la voie au fascisme, mais bien Emmanuel Macron et sa politique guerrière, réactionnaire et impérialiste. Bien entendu, Zemmour et Le Pen sont une branche du parti unique qui dirige le pays : ils portent un programme soutenu par la faction de la bourgeoisie la plus radicale, par sa base économique. Toute leur politique depuis des années sert la réactionnarisation, mais ne nous y trompons pas : les forces qui soutiennent Macron mettront en place le fascisme quand cela sera nécessaire. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise bourgeoisie, il y a seulement des déséquilibres, des luttes entre différentes branches au sein d’une collusion générale. Le jour où le prolétariat disputera le pouvoir, l’union sera sacrée chez les bourgeois.

Même si Le Pen ou Zemmour arrivent au pouvoir dans quelques semaines, cela ne voudra pas dire que le pays est devenu fasciste, car la situation politique n’aura pas fait un bond qualitatif vers la Révolution d’ici-là. Le prolétariat ne disputera pas le pouvoir à la bourgeoisie d’ici 60 jours. Dans ce cas, la grande bourgeoisie, via l’appareil d’Etat, enserrera le Président fascisant, tout comme elle a enserré les autres présidents. Nous ne disons pas que la réaction n’augmentera pas, mais il n’y aura pas un bond qualitatif vers le fascisme. La lutte sera plus aigüe, mais cela ne changera pas nos tâches politiques immédiates.

Nous ne devons pas perdre de temps dans des mobilisations stériles, mais orienter toutes nos forces vers le travail politique qui nous lie aux masses, afin de forger une nouvelle conscience de classe. Le meilleur moyen de lutter contre « le fascisme » est de participer activement à la campagne pour le boycott des élections présidentielles. Saper au maximum la légitimité du futur Président et de tout le dispositif électoral contribuera à saper le régime en place. Une légitimité de plus en plus faible participe à l’ouverture d’un champ des possibles où peut se frayer la Révolution. Le mal nommé « fascisme » actuel ne se combat pas dans le vide, de manière idéaliste et hors-sol, mais bien au contact des masses les plus opprimées, et nulle part ailleurs.

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