mardi 16 avril 2024
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Que veut Vladimir Poutine ?

Les impérialistes russes tentent désespérement d’éviter le démantelement de la Russie.

Aujourd’hui, les impérialistes avancent à grand pas vers une 3ème guerre mondiale. La base de cette guerre est la lutte pour le repartage du monde. Cette lutte prend la forme d’un affrontement entre les USA, la superpuissance hégémonique, et la Chine, la principale superpuissance concurrente pour se hisser au rang de premiere puissance. Les tensions très fortes entre les USA et la Russie en Ukraine font partie de cette marche vers la guerre. C’est aujourd’hui le conflit principal, car les Etats-Unis ont besoin de soumettre les russes et leur arsenal apocalyptique (en 2016 : environ 2 600 ogives stratégiques ; 1 950 ogives non stratégiques) pour avoir ensuite les mains libres face aux chinois. Les USA sont secondés dans cette course vers la guerre par l’OTAN [1] en Europe et l’AUKUS dans le Pacifique. Ces luttes entre puissances impérialistes se déroulent dans un mélange de lutte et de collusion. En effet, rien n’est linéaire, tout n’est que contradiction et se développe par bonds.

Les pays membres de l’OTAN hors Amérique

Un dégat collateral actuel de cette nouvelle guerre impérialiste en marche (qui sera d’ailleurs probablement bien plus meurtrière que la seconde guerre mondiale), est la nation ukrainienne, prise en tenaille entre les russes revanchards, les nationalistes ukrainiens admirateurs d’un grand génocidaire [2], les oligarques post-soviétiques pourris, et bien sûr le plus grand pourvoyeur de maux des peuples du monde, les impérialistes états-uniens (et l’OTAN).

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la montée du ton entre la Russie et les USA au sujet de l’Ukraine depuis plusieurs semaines particulièrement, et plus généralement depuis 2014 et les évènements de la place Maidan et la guerre dans le Donbass [3]. Les russes, en appuyant le Donbass, pensaient créer une Ukraine instable et “gelée”, bloquée entre l’Est et l’Ouest, une sorte de finlandisation [4] par la violence. Mais c’était sans compter sur la crise du COVID qui accèlere l’Histoire comme jamais. Les Etats-Unis ont de fait besoin d’aller vite, toujours plus vite dans cette course au maintien de leur hégémonie.

Aux yeux des russes, et objectivement, une entrée de l’Ukraine dans l’OTAN signifierait l’implantation de bases US, de sites de lancement de missiles offensifs (comme il y en a déjà en Pologne et en Roumanie) à la frontière de la Russie, à quelques encablures de Moscou et des grands centres du pays. Cela signifierait le risque d’une perte de souveraineté, ses grandes villes seraient à portée de missiles offensifs (conventionnels comme nucléaires), elle serait à la merci du démantelement, de la balkanisation [5] que les USA leur infligeraient à coup sûr. Les russes réagissent donc de manière virulente face à une situation critique. Le 21 décembre 2021, par la voie de son Président, la Russie faisait savoir que :

En cas de maintien de la ligne très clairement agressive de nos collègues occidentaux, nous allons prendre des mesures militaires et techniques adéquates de représailles, réagir de manière ferme aux actions inamicales (…) Nous en avons parfaitement le droit”, a-t-il déclaré lors d’une réunion auprès du ministère de la Défense. “Le renforcement aux frontières russes des groupements militaires des États-Unis et de l’OTAN ainsi que l’organisation de manœuvres militaires d’ampleur constituent une source sérieuse de préoccupation“, a-t-il noté.

Bel euphémisme que cette façon de dire “sérieuse préoccupation”. La réalité est que les russes ne peuvent tout simplement pas accepter une Ukraine totalement vassalisée par les USA. Une Ukraine OTANisée c’est une Ukraine prête pour servir de tête de pont à une invasion de la Russie. Tout comme les Etats-Unis ne pourraient pas accepter un Mexique où des bases russes seraient présentes, les russes ne peuvent pas rester inactifs face à une provocation de cette ampleur. Alors que de nombreuses fois, depuis la chute de l’URSS, les occidentaux avaient “promis” aux russes que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est, c’est tout l’inverse qui s’est passé. L’extension de l’OTAN dans les pays d’Europe centrale a suivi de près leur semi-colonisation économique. En 1999, cette “colonisation” commence par la Pologne, la Hongrie, la République tchèque. Puis en 2004 elle se poursuit avec la Slovénie, la Slovaquie, les pays Baltes, la Bulgarie, la Roumanie. En 2009 c’est la Croatie et l’Albanie, en 2017 le Monténégro et enfin en 2020, la Macédoine. Mais cette course vers l’Est n’est pas finie, la Suède et la Finlande seraient potentiellement prêtes à rejoindre l’OTAN si elles se sentaient menacées.

Les bases militaires US dans le monde

Les russes demandent donc des garanties que l’Ukraine n’intégrera pas l’OTAN et qu’il n’y aura plus de renforcement de l’OTAN à l’est. Les Etats-Unis, bien entendu, ne veulent rien entendre et s’arqueboutent sur la volonté du gouvernement ukrainien ultranationaliste d’intégrer l’Alliance, pour refuser ces garanties qui sont de fait des exigences russes. Les Etats-Unis ont la chance d’avoir à leur disposition un gouvernement ukrainien ultranationaliste prêt à servir de chair à canon pour leurs manoeuvres guerrières.

Il faut aussi comprendre à quel point la Russie est une anomalie. Elle reste dans la cours des “grands” impérialistes non pas par sa puissance économique, mais par sa capacité, unique, à pouvoir rayer les Etats-Unis de la carte. Si nous retirons à la Russie son arsenal nucléaire démoniaque, c’est une puissance de seconde zone. Bien que très riche en ressource, elle a un PIB qui se situe entre le Mexique et l’Italie, une population de 144 millions en crise démographique, et un immense territoire qui, d’un atout, est devenu un handicap à l’heure où il faut le défendre. Nous pensons notamment à l’immense Sibérie, aussi grande que riche, sur laquelle les yeux des sociaux-impérialistes chinois lorgnent avidemment. Elle ne possède pas de grande alliance à l’image de l’OTAN, ses seuls alliés sont quelques une des anciennes républiques soviétiques, principalement en Asie centrale, et la Syrie. La Chine peut être une allié tactique mais la différence de poids fait que la Russie est forcément défavorisée. Certains auraient pu penser que la Turquie se rapprochait de la Russie, il n’en est rien : Mevlüt Cavusoglu, le ministre turc des Affaires étrangères, a exprimé que les garanties russes sur l’Ukraine étaient inacceptables. La corruption des dernières élections présidentielles russes a montré que le pays était en crise profonde, qu’il pourrissait de l’intérieur, bien loin de la puissance affichée.

D’ailleurs, les impérialistes russes connaissent très bien leurs faiblesses. Ils se savent en grand danger, et ont donc adopté une stratégie revendiquant “l’étranger proche” (c’est à dire leurs voisins immédiats) comme relevant de leur propre sécurité nationale. Comme nous l’avons écrit plus haut, l’Ukraine n’est pas la Roumanie : pour la Russie, c’est “au pas de la porte”, comme l’a dit V. Poutine.

Les formations russes autour de la frontière ukrainienne

Les 9-10 janvier, les Etats-Unis, l’Otan et la Russie se sont rencontrés en Suisse pour entamer des pourparlers. Néanmoins, les russes sont bloqués, ils ne peuvent pas reculer sous peine de disparaître comme puissance. Ils vont donc devoir négocier avec les Etats-Unis, qui eux ont la profondeur stratégique. Il y a ainsi plusieurs scénarios de “sortie de crise”, qui n’en serait pas une.

L’un d’entre eux serait que suite au refus des Etats-Unis des “garanties” demandées, la Russie envahisse l’Ukraine, l’écrase en quelques jours et vassalise la zone de la “Novorossia” (tout le sud et sud-est de l’Ukraine) La Russie a largement les capacités de faire cela sans que l’OTAN ne puisse intervenir efficacement, et à l’inverse les USA ne sont pas prêts à un conflit direct avec la Russie. L’Ukraine se trouverait à coup sûr coupée en deux pays directement vassalisés par les Etats-Unis et la Russie.


Une autre voie serait que les Etats-Unis soumettent la Russie à des sanctions qui mettraient celle-ci à genoux. Elle deviendrait alors un paria à l’échelle internationale, et sur cette base la prochaine guerre serait déjà en préparation.


Il y a enfin la possibilité pour les Etats-Unis de négocier au rabais avec les russes, mais même si cela signifierait une victoire passagère de la Russie, cela ne serait que partie remise. Les Etats-Unis en profiteraient en effet pour renforcer militairement l’Ukraine, en faire une nouvelle Pologne, surarmée, préparant là aussi les futurs affrontements.

Les Russes ont considérablement renforcé leur dispositif militaire : plus de 100 000 soldats, de l’armement lourd, avions, missiles/antimissiles, DCA, sont massés le long des frontières avec l’Ukraine. Les nationalistes ukrainiens jouent gros, misant sur un soutien indéfectible des Etats-Unis alors que l’histoire récente montre qu’il ne faut pas leur faire confiance. Les alliances avec les impérialistes ne sont que de circonstances. Les kurdes et les afghans en ont fait les frais.

Dans ce jeu impérialiste, la France n’est pas en reste. Elle va diriger cette année “la force de réaction très rapide de l’otan”, force qui doit pouvoir intervenir en 2-3 jours pour freiner une offensive russe et laisser le temps de faire arriver des renforts et de réorganiser les lignes alliées. En ce moment même, la frégate Auvergne [6] rode en mer Noire, elle a participé à des exercices avec les marines de guerre ukrainienne et turque. Les 9-10 décembre derniers, les russes ont intercepté un Mirage 2000, un Rafale et un ravitailleur français qui volaient trop près de leur frontière. Ces appareils servent aux renseignements des mouvements de troupes russes. Ces faits ne sont pas anodins et montrent l’agressivité de l’impérialisme français, sa soumission aux intérêts US, bien loin des “attaques” de Macron contre l’Alliance Atlantique. Les impérialistes français aimeraient développer une armée européenne mais cela reste un voeu pieu. A l’heure où tout s’accelère, l’OTAN reste la meilleure option pour exister, au plus près des Etats-Unis comme l’a montré la mise en place d’une alliance stratégique entre la marine US et française le 17 décembre 2021. Plus les Français seront fidèles, plus ils pourront prétendre à des gains dans le futur conflit majeur de notre temps.

Comme nous le voyons, les événements en Ukraine ne nous sont pas étrangers. Le gouvernement et les armées françaises sont pleinement engagés dans la lutte pour le rédécoupage du globe, et en ce sens la France est assurément l’une des puissances qui poussent chaque jour à la guerre.

Ainsi, l’opinion générale semble allègrement fermer les yeux sur les évènements graves qui se déroulent depuis plusieurs années en Ukraine, à l’exception peut être du site agauche.org.

Il est urgent qu’un large mouvement pour la sortie express de la France de l’OTAN redémarre. Mais, quoi qu’il en soit, nous devons garder à l’esprit que cette situation de tension est une expression de la crise de pourrissement de l’impérialisme. Nous devons, comme l’a dit Lénine, transformer la guerre impérialiste en guerre révolutionnaire. Le pessimisme ne peut être de mise en cette période, et même s’il devait y avoir guerre, rappelons-nous qu’après chaque conflit mondial le socialisme a avancé dans le monde jusqu’à couvrir un tiers de l’humanité.


Notes :

[1] L’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) est une alliance politique et militaire internationale composée à ce jour de 30 États membres d’Europe et d’Amérique du Nord. Elle fut créée lors de la signature du Traité de l’Atlantique Nord (ou Traité de Washington) le 4 avril 1949 par ses 12 membres fondateurs. Le but principal de cette dernière est « la sauvegarde de la liberté et de la sécurité de tous ses membres par des moyens politiques et militaires ». De fait depuis le début elle est dirigée contre la Russie. La disparition de l’URSS, loin d’avoir rendu caduque l’Alliance, l’a remise au goût du jour en ces temps de repartage du monde par les impérialistes, US en tête.

[2] Stefan bandera, homme politique et idéologue ultranationaliste ukrainien qui fut espion des nazis et collabora activement avec eux pendant la guerre par anticommunisme et racisme antirusse. Il participa activement à l’extermination des juifs (comme durant le massacre de Lviv) et des polonais d’ukraine (40 000 à 60 000 morts). Les gouvernements actuels ultrachauvins ont plusieurs fois tentés de faire de lui un héros national. En automne 2014, Petro Porochenko remplace le Jour du défenseur de la patrie par la Journée des défenseurs de l’Ukraine (et de la cosaquerie ukrainienne), et la place le 14 octobre, date qui commémore la fondation de l’UPA (la force nationaliste ukrainienne collaborant avec les nazis). Cet événement devient un moment fort de rassemblement des nationalistes qui paradent en uniforme paramilitaire dans le centre-ville.

[3] Nous faisons référénce ici à l’évènement dit de la “Révolution ukrainienne”. En 2014, à Kiev et dans d’autres villes, des émeutes sont déclenchées contre la corruption, la pauvreté dans le pays. Les nationalistes ukrainiens antirusses soutenus par les USA profitent du chaos pour prendre le pouvoir et mettre en avant une politique russophobe (alors qu’une grande partie des Ukrainiens est russophone, voir russe). Dans le Donbass, à l’est du pays, une insurrection soutenue par Moscou déclenche une guerre civile entre les rebelles et le gouvernement central.

[4] Finlandisation : en référence à la politique de la Finlande entre 1945 et 1989, où le pays capitaliste ne prit pas part aux débats de l’OTAN pour ménager son puissant voisin soviétique. La Finlande se retrouva dans une situation de neutralité où l’URSS avait une très grande influence sur ses affaires extérieures mais aussi intérieures.

[5] Balkanisation : c’est une constante de la politique impérialiste, et plus précisément US. S’appuyer (parfois après en avoir créé) sur les différences ethniques et religieuses principalement, pour affaiblir et démonter les Etats constitués. La Yougoslavie est l’exemple type, mais l’Irak en a fait les frais (divisé en trois : kurdes, chiites, sunnites). La Russie, avec deux-cents et quelques nationalités et une population musulmane en croissance dans le Sud, n’est pas à l’abri d’une telle politique.

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