jeudi 25 avril 2024
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Révolution Permanente : une nouvelle organisation pour ne rien changer

Les 16, 17 et 18 décembre dernier s’est tenu le “congrès de fondation d’une nouvelle organisation révolutionnaire en France”, impulsé par Révolution Permanente, d’obédience trotskyste. A la base, Révolution Permanente (RP) était le journal du Courant Communiste Révolutionnaire (CCR), fraction qui se voulait la gauche du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste).

Le fonctionnement des organisations trotskystes fait d’elles des patchworks d’idées, ce qui empêche tout véritable développement organisationnel : celui-ci ne peut être le résultat que de la lutte de deux lignes, entre la ligne rouge, révolutionnaire, et la ligne noire, réactionnaire. Le trotskysme nie cela et porte l’organisation sur la base de “tendances”. C’est-à-dire que, dans l’organisation, il existe des courants d’idées différents de la majorité. Cela est fait dans le but d’être plus démocratique, car tout le monde peut exprimer une “tendance”, c’est-à-dire une opinion ; mais au final, tout cela se cristallise en lignes organisées et vire systématiquement au fractionnisme. C’est de là que vient RP et c’est ce qui s’est passé tout récemment dans le NPA, qui s’est scindé en deux, à nouveau. Il faut comprendre que la grande critique faite par les trotskystes aux Communistes (qu’ils nomment “staliniens”), est d’avoir forgé des Partis soi-disant « monolithiques », où les idées et opinions divergentes ne peuvent s’exprimer. C’est bien entendu faux, car un Parti Communiste, non révisionniste, applique le centralisme démocratique, c’est-à-dire qu’il y a un maximum de liberté de parole mais une unité absolue dans l’action une fois qu’une décision est prise. Le camarade Staline a lutté durant 13 longues années contre les différents courants opportunistes et contre-révolutionnaires. A la fin, il ne restait donc plus que les méthodes coercitives à appliquer, pour faire face à ceux qui voulaient détruire le Parti, la Révolution et le Socialisme. C’est précisément parce que les trotskystes et autres opportunistes refusaient de se plier à la majorité, donc à la démocratie, et qu’ils ont organisé des fractions pour détruire l’unité du Parti, qu’il y a eu ces luttes. Nous voyons donc que parler de “bureaucratisme” au sujet d’une lutte qui a duré 13 ans dans le Parti sous Staline, est un mensonge que les faits démontrent et démontent.

Dans une organisation marxiste, s’il n’y a que la « démocratie », c’est-à-dire de l’horizontalité, cela vire à l’anarchisme, à l’inefficacité, à l’effondrement, et en fin de compte cela va contre la démocratie qui est la décision du plus grand nombre. S’il n’y a que le « centralisme », alors cela tue la vie du Parti, il s’effondre et devient révisionniste et fasciste.

Le NPA et RP sont donc l’exemple, qu’ils devraient donc appliquer à eux-mêmes, des critiques qu’ils font aux autres. Ce fait historique de la négation de la lutte de deux lignes chez les trotskystes mène systématiquement au bureaucratisme, à régler les problèmes de lignes par des mesures disciplinaires, en s’imposant par la force comme récemment avec le NPA. Avant de partir du NPA, RP avait tenté de faire triompher ses idées : n’y arrivant pas, ils ont mené un travail de fraction et organisé une scission. Bien entendu, en accusant la direction du NPA de les avoir exclus.

Dans le document : “Bases politiques d’une nouvelle organisation révolutionnaire[1] antérieur au congrès, RP semble rompre avec la tradition des tendances en affirmant :

“Pour tout cela, il est évident qu’une forme de centralisation est indispensable. C’est pourquoi la nouvelle organisation se dotera d’une direction politique, élue par le congrès selon les règles établies dans la charte statutaire. Cette centralisation n’est cependant pas contradictoire avec la plus large démocratie interne, avec la possibilité pour chaque militant de contester l’orientation proposée par la direction et de chercher à convaincre l’organisation, à condition, bien entendu, de ne pas faire obstacle à la mise en œuvre de l’orientation une fois que celle-ci a été adoptée par une majorité de militants.”

Bémol : le texte sorti du congrès affirme le droit de tendance[2]. Y a-t-il eu lutte de deux lignes sur ce sujet ? D’un côté, certains militants de RP savent très bien le côté pernicieux des “tendances”, qui mènent au fractionnisme, pour s’en être allègrement servi ; mais de l’autre, RP doit coller avec son étiquette faussement “démocratique” d’organisation trotskyste. Au contraire de la tradition Bolchévique qui fait de l’unité un intérêt supérieur, et où les militants se soumettent au Parti de manière absolue et consciente par nécessité politique, les trotskystes sont des libéraux correspondant à leur origine de classe. Donc même de ce côté-là, la nouvelle organisation ne fait pas un pas dans le bon sens.

Cette nouvelle organisation est la fille de toutes les précédentes magouilles antirévolutionnaires et démontre dès le début le caractère réactionnaire des organisations trotskystes. Ne nous trompons pas, le but de RP – et c’est dit noir sur blanc par Daniela Cobet, dirigeante de la nouvelle organisation -, est de “dépasser l’échec du NPA[3], donc le remplacer.

Le texte “Bases politiques d’une nouvelle organisation révolutionnaire” nous éclaire sur la situation de vide organisationnel que les trotskystes affrontent systématiquement, qui est le reflet de leurs conceptions bourgeoises de l’organisation politique, mais aussi de l’absence totale de stratégie révolutionnaire, c’est-à-dire du chemin à suivre pour la conquête du pouvoir.

Nous ne reviendrons pas dans ce texte sur l’analyse de notre époque que RP propose dans la première partie de son document, mais plus précisément sur la question organisationnelle et stratégique qui condense le vide politique du trotskysme et en fin de compte son escroquerie historique. Les mots ne suffisent jamais à masquer le vide ou le refus de certaines choses, ils peuvent même les accentuer. De fait, cette “nouvelle” organisation nous ressort la vieille soupe de la “grève générale politique” pour vaincre la bourgeoisie et établir un “pouvoir démocratique de la majorité exploitée, à travers ses organes d’auto-organisation”. Toute leur stratégie tourne autour du syndicat et fait de leur organisation un appendice du syndicat. Il est clair que par leur “tradition trotskyste”, les trotskystes ne peuvent apprendre de l’histoire riche et glorieuse du mouvement ouvrier français, ils ne peuvent que la critiquer ou la rejeter en bloc. Ils se coupent d’une très riche expérience qui résonne profondément dans l’actualité.

Il se proclament de tradition marxiste révolutionnaire, et pourtant plusieurs choses centrales de cette “tradition” n’apparaissent pas, principalement la question de l’État et de la violence, et en fin de compte la question centrale, celle de l’idéologie. Car c’est sur ces deux questions que se cristallise la division entre Révolution et réaction. Par deux fois, dans les derniers chapitres, présentant les bases organisationnelles et la stratégie, le mot État est cité, mais pour faire référence à l’État bourgeois. Nulle part n’est abordée la question de la dictature du prolétariat, seule organisation politique qui donne le pouvoir réel au prolétariat et donc seule organisation politique véritablement marxiste, car c’est le but de l’idéologie du prolétariat. Pour ne pas parler de dictature du prolétariat, par opportunisme ou par rejet de la question, ils utilisent l’euphémisme “pouvoir démocratique de la majorité exploitée, à travers ses organes d’auto-organisation”. Ils pensent par ce tour de passe-passe conjurer le sort et ne pas froisser leur base petite-bourgeoise.

Photographie du congrès de fondation de la “nouvelle” organisation

Au sujet de la violence, et tout est lié, ils n’expriment qu’un côté de la contradiction, celui de la violence réactionnaire. La violence est la grande accoucheuse de l’Histoire, elle seule permet de conquérir le Pouvoir, c’est la substance du Marxisme. Penser que seule une “grève générale politique” (même pas insurrectionnelle) pourrait abattre le pouvoir de la bourgeoisie est un infantilisme qui cache soit de l’opportunisme, soit le rejet ou la peur de la violence, ou les deux. C’est le vieux rêve pieux des réformistes de faire la Révolution sans la Révolution, c’est-à-dire sans la violence révolutionnaire organisée et tout ce qu’elle implique. A noter que nous retrouvons chez l’économiste intellectuel Frédéric Lordon la même préoccupation, mais surtout la même peur de la perte de contrôle de la violence révolutionnaire, notamment dans son ouvrage « Vivre sans ? Institutions, police, travail, argent… » C’est clairement de l’idéalisme et donc une position de classe totalement vide des préoccupations du prolétariat.

Ce qui est le plus flagrant dans tout cela c’est l’absence de stratégie pour la conquête du Pouvoir. Le livre des trotskystes argentins “Marxisme, stratégie et art militaire[4] est le parfait exemple du dogmatisme de cette idéologie. RP, qui est de fait dirigée par les argentins, est le reflet de ce dogmatisme consécutif à la négation du mouvement de la matière, ce qui est totalement antimarxiste.

La “grève générale politique” est un non-concept totalement inoffensif pour la bourgeoisie car antipolitique. C’est le vieux rêve anarchiste qui ne s’est jamais réalisé, et pour cause. Au moins, les anarchistes parlaient de “grève insurrectionnelle” qui avait comme contenu la violence politique des masses organisées dans le syndicat. Chez tout marxiste conséquent, “la grève politique” n’est qu’un des instruments de la conquête du Pouvoir dont le centre ne peut être que la lutte armée, dans un long processus que nous nommons Guerre Révolutionnaire. Cette stratégie a des implications sur le développement de l’organisation, sur la tactique, sur l’activité politique des révolutionnaires. Il ne peut y avoir de “double-pouvoir” (car c’est leur but affiché) sans destruction de l’ancien, sans élimination physique des forces ennemies, sans lutte armée. Parler de “double-pouvoir” sans cela est de la pure esbrouffe, car l’État annihilera celui-ci avec toute la rage qu’il tire de sa volonté de conservation du vieil ordre.

Les trotskystes pensent que cette “grève politique générale“, en bloquant l’économie, ouvrirait des possibles pour la conquête du Pouvoir : ils ne comprennent donc rien au Marxisme. L’économie est la base, mais le cœur du Marxisme, c’est la lutte des classes dont le centre est la politique, c’est-à-dire la lutte pour le pouvoir, la lutte pour détruire l’ancien État et le remplacer par un État de type nouveau, qui n’est autre que la dictature du prolétariat.

Nous sommes là dans l’absence de stratégie, d’un chemin clair pour la conquête du Pouvoir, donc d’une absence de politique ; leur « proposition » n’est au fond n’est que du vieil économisme rance ou de l’anarchisme. Comprenons que pas une fois cette nouvelle organisation ne proclame sa volonté de lutter pour que le prolétariat ait une avant-garde ; pas une fois il n’est proclamé la nécessité de celle-ci. Il est clair que ce n’est pas leur but, car ils nient le rôle de direction de la classe ouvrière “au profit de la nécessité d’une alliance entre la classe ouvrière et l’ensemble des secteurs qui ont intérêt à la destruction du capitalisme”. Il y a bien sur besoin d’une alliance avec les couches intermédiaires, mais sous la direction absolue de la classe ouvrière, seule classe pouvant lutter jusqu’au bout pour la fin de la société de classe, pour le toujours aussi lumineux Communisme.

Ce n’est qu’à la fin que se révèle leur vraie stratégie : l’opportunisme électoral, qui s’affiche clairement avec la volonté « d’imposer les idées révolutionnaires dans le débat national en se servant pour cela des élections ».A l’époque de l’impérialisme en décomposition, il n’y a pas plus antirévolutionnaire que de faire miroiter un possible développement des idées révolutionnaires au travers de la farce électorale qui est, de plus, boycottée par de larges masses, notamment les plus profondes du prolétariat, celles qui vont faire la Révolution. Leur première intervention dans cette farce, qui n’avait rien de politique, car totalement intégrée à l’État Bourgeois, n’a pas participé à imposer les idées révolutionnaires mais à montrer l’inverse de la mentalité de la classe ouvrière, qui n’est pas une victime mais qui lutte. Leur grand exemple de « réussite », c’est le “front de gauche”[5] en Argentine, une coalition d’organisations trotskystes (sic) qui récolte quelques pourcents à chaque élection et cela, de plus, dans un pays semi-colonisé. Nous nous demandons en quoi ce type de participation à un des dispositifs principaux de l’État bourgeois développe les idées révolutionnaires. Au sujet de cette question, nous vous conseillons de lire le numéro spécial “Mascarade électorale de 2022” de Nouvelle Epoque[6], tout est écrit en long et en large sur le sujet.

En synthèse, RP tente du neuf avec du vieux et refait la même soupe que le NPA en 2009, en moins ouvert mais en tout aussi opportuniste. Le trotskysme n’est qu’un avatar du réformisme, mêlé d’anarchisme et de syndicalisme-révolutionnaire, et en ce sens n’a strictement rien de révolutionnaire à proposer aux masses exploitées. La question de la violence, de l’État, de la mascarade électorale, de la lutte de deux lignes, du centralisme démocratique, démontre clairement le fond de l’affaire et ne trompera qu’un temps les ouvriers et les masses qui auront cru en la sincérité de leur démarche. Il est évident que cette « nouvelle » organisation va avoir un développement relativement rapide, mais qui échouera face à la réalité de l’époque. Elle va chercher à exister à tout prix et s’enfoncera toujours plus dans l’opportunisme. Ce qui est sûr, c’est que la lutte contre le trotskysme passe avant tout par une pratique dirigée par l’idéologie du prolétariat, une politique classiste, combative et anti-opportuniste.


[1]https://www.revolutionpermanente.fr/Bases-politiques-d-une-nouvelle-organisation-revolutionnaire

[2]“Bases politiques d’une nouvelle organisation révolutionnaire” :

[3]https://www.revolutionpermanente.fr/Daniela-Cobet-Une-nouvelle-organisation-revolutionnaire-pour-depasser-l-echec-du-NPA

[4]‘Marxisme, stratégie et art militaire” Dans ce livre où Trosky est au centre, les auteurs arrivent à faire le tour de force de ne citer les guerres populaires que dans une phrase au début, en les confondant avec du militarisme. Ils n’abordent même pas d’un point de vue critique la stratégie developpée par le Président Mao de la Guerre Populaire Prolongée, alors qu’elle est reconnue comme danger principal par la CIA depuis le commencement de la GP au Pérou au début des années 80. C’est une constante du trotskysme que de nier ce qui ne rentre pas dans leur vision du monde bourgeoise. Un texte d’analyse sera proposé dans un futur proche.

[5]https://es.wikipedia.org/wiki/Frente_de_Izquierda_y_de_Trabajadores_-_Unidad#2021-2023

[6]https://www.docdroid.net/aRyaWzS/neboycott2-pdf

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