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Paris : Discours pour les Héros du prolétariat (25 février 2024)

Le comité de rédaction de Nouvelle Epoque a décidé de partager un article publié par nos camarades de la Cause du Peuple. Nous retranscrivons ici le discours lu lors de la manifestation commémorative dédiée aux Héros du prolétariat, ce dimanche 25 février au Père Lachaise, à Paris. Retrouvez ici notre reportage photos.

Camarades et amis !

La Cause du Peuple vous remercie chaleureusement de votre présence ce matin au Père Lachaise pour commémorer les héros du prolétariat. Avec nos drapeaux rouges levés haut et notre enthousiasme révolutionnaire, nous rappelons sans cesse qu’ils ne sont pas tombés pour rien.

Qui sont-ils, ces héros du passé dont nous rappelons la mémoire aujourd’hui ?

Le Groupe Manouchian était actif au moment de la Résistance contre l’Occupation fasciste-nazie et pour la défense de l’URSS. Ils faisaient partie des Francs-Tireurs Partisans – Main d’Œuvre Immigrée (FTP-MOI) de la région parisienne, sous direction du Parti Communiste de France sur l’ordre de l’Internationale Communiste, qui menaient des attaques sans relâche contre les forces armées de l’occupant. Leur vie était faite de clandestinité, de filatures, de planques, d’assassinats de SS.

L’infâme « affiche rouge », placardée par les nazis et les collabos du Comité d’action antibolchévique contre les FTP-MOI, montre bien la peur bleue que les actions de Résistance provoquaient chez les fascistes !

Missak Manouchian était le commissaire militaire de toute la région parisienne, mais il ne fut pas le seul à être capturé et fusillé, le 21 février 1944, au Mont Valérien. Voilà leurs noms :

Celestino Alfonso, Espagnol, 27 ans ;

Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (décapitée en Allemagne le 10 mai 1944) ;

Joseph Boczov Hongrois, 38 ans – Ingénieur chimiste ;

Georges Cloarec, Français, 20 ans ;

Rino Della Negra, Italien, 19 ans – Footballeur du Red Star Olympique ;

Thomas Elek, Hongrois, 18 ans – Étudiant ;

Maurice Fingercwajg , Polonais, 19 ans ;

Spartaco Fontanot , Italien, 22 ans ;

Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans ;

Emeric Glasz, Hongrois, 42 ans – Ouvrier métallurgiste ;

Léon Goldberg, Polonais, 19 ans ;

Szlama Grzywacz , Polonais, 34 ans ;

Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans ;

Cesare Luccarini, Italien, 22 ans ;

Missak Manouchian , Arménien, 37 ans ;

Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans ;

Marcel Rajman , Polonais, 21 ans ;

Roger Rouxel, Français, 18 ans ;

Antoine Salvadori, Italien, 24 ans ;

Willy Schapiro, Polonais, 29 ans ;

Amedeo Usseglio, Italien, 32 ans ;

Wolf Wajsbrot , Polonais, 18 ans ;

Robert Witchitz , Français, 19 ans.

Manouchian et Celestino Alfonso ont défié les fascistes jusqu’au dernier moment, refusant d’avoir les yeux bandés pour mourir le regard au soleil. Comme le dit le poème, « la mort n’éblouit pas les yeux des Partisans ».

Camarades et amis !

Les 23 membres du Groupe Manouchian étaient d’une myriades de nationalités. Pourtant, ils sont tous tombés ici ! C’est la preuve la plus éclatante de l’internationalisme prolétarien, du fait que le prolétariat représente une classe unique à travers le monde. Ils ne sont pas que des héros pour le prolétariat français, mais pour le prolétariat international tout entier !

Le gouvernement réactionnaire d’Emmanuel Macron a beau tenter de se saisir de la mémoire de Manouchian, en l’incorporant de manière hypocrite au Panthéon, il ne peut pas salir son nom ! C’est car Manouchian vole plus haut que la seule reconnaissance nationale, que les fausses commémorations bourgeoises ! Ses camarades et lui surplombent de toute leur grandeur l’étroitesse d’esprit de la bourgeoisie, qui ne peut pas comprendre pourquoi des prolétaires mourraient, loin de chez eux, pour la libération nationale et l’émancipation sociale de la classe ouvrière. Mais nous, camarades et amis, nous comprenons ! Déjà pendant la Commune de Paris, les héros des rues incendiaires de la capitale se nommaient Varlin, mais aussi Dombrovsky, Dmitrieff ou Frankel ! Le Groupe Manouchian a donné sa vie pour le Parti et la Révolution, et ça, nous ne l’oublierons jamais !

Camarades et amis !

Pierre Overney était un jeune ouvrier d’à peine 23 ans, plus jeune que bien d’entre nous ici. Entré à la Gauche Prolétarienne, l’organisation anti-révisionniste la plus combative de l’époque, il faisait partie de ces centaines de militants ouvriers installés en usine pour faire de l’agitation dans les années 1970.

Le 25 février 1972, alors que Pierrot faisait la dure expérience du chômage forcé, viré de Renault pour des raisons politiques, il a participé à une action de distributions de tracts devant l’usine pour commémorer les 10 ans du massacre du métro Charonne, une manifestation qui faisait suite au massacre du 17 octobre 1961 où la police française a noyé les algériens en masse.

Lors de cette action, Tramoni, un ex-parachutiste du criminel Massu pendant la guerre d’Algérie, qui faisait la milice patronale pour Renault, sort son arme et abat le jeune militant devant les grilles. La solidarité de classe avec Overney est immense, et plus de 200 000 personnes marchent dans un long cortège derrière son cercueil au début de Mars 1972. C’était la première fois qu’une telle mobilisation sous les drapeaux rouges avait lieu hors des griffes du Parti révisionniste.

Tramoni sera jugé mais vite libéré en 1974. C’est en 1977 qu’un commando à moto le descend au nom de la justice pour Pierre Overney.

Pierrot venait d’une famille d’ouvriers agricoles pauvres. Avec ses lunettes rondes et son sourire bonhomme, il est devenu un héros du prolétariat en allant au plus proche de la classe ouvrière ; en défiant les menaces patronales et enfin, en tombant pour la cause du peuple.

Pierrot, comme Gilles Tautin, comme notre Camarade Pierre qui a relancé la Cause du Peuple dans les années 2010, n’avait pas peur de nager à contre-courant. A contre-courant des réactionnaires gaullistes, à contre-courant des révisionnistes et des opportunistes comme Georges Marchais, secrétaire général du PCF, qui osera attaquer sa mémoire alors que son cadavre était encore chaud et l’impact de la balle encore brûlant !

Camarades et amis !

Qui peut ignorer l’exemple de Pierrot ? Personne ! Aujourd’hui encore, les révolutionnaires et les révoltés risquent la prison pour leurs idées et leurs actions. Rappelons-nous que les cris de révolte qui ont suivi la mort du jeune Nahel l’été dernier n’ont trouvé comme réponse qu’un emprisonnement massif. En Europe, en 2021, la police a tiré à balles réelles sur des manifestants. Rien que l’an dernier en France, lors de la Bataille de Sainte-Soline, les armes utilisées par les forces de répression été faites pour blesser et pour tuer, comme l’a démontré le cas de Serge, resté un mois dans le coma et six semaines en réanimation.

Mais la répression de l’État bourgeois n’est pas une preuve de sa force ! Si Pierrot est tombé sous les balles des patrons, c’est car ceux-ci sentaient le vent se lever ; un vent qui faisait trembler tout leur monde. Voilà pourquoi ils avaient des chiens de garde armés comme Tramoni, voilà pourquoi ils arment les flics jusqu’aux dents aujourd’hui ! Car ce vent se lève à nouveau, et comme le dit la chanson, « gare à la revanche, quand tous les pauvres s’y mettront ! ».

Camarades et amis !

L’histoire des héros du prolétariat s’écrit-elle au passé ?

Bien sûr que non. Nous avons parlé dans ce discours des actes exceptionnels de quelques-uns des immortels dont nous célébrons la mémoire. Ils sont immortels car ils continuent à vivre à travers nous.

Mais l’histoire des héros du prolétariat, depuis les parisiens des journées de Juin 1848 et jusqu’à aujourd’hui, ce n’est pas l’Histoire de quelques noms propres, de quelques individus incroyables qu’on ne peut égaler.

C’est avant tout une histoire collective, celle de femmes et d’hommes qui ont donné leur vie pour une immense cause, la plus grande qui soit, qui ont accepté un sacrifice énorme avec la certitude vraie que la lutte ne cesserait pas avec eux, mais qu’ils la servaient du mieux qu’ils pouvaient. Et ils avaient raison ! Alors, camarades et amis, ne soyons pas intimidés par leur exemple, ne vivons pas dans le passé, mais regardons vers l’avenir et tâchons de mener nos vies de la même manière qu’eux.

Leurs regards, les traits de leurs visages, leur stature ; tout cela a beau être gravé dans nos mémoires, leurs particularités à chacun sont bien peu de choses par rapport au message universel qu’ils portent. Leur exemple dépasse leur propre figure, il dépasse leur époque et il dépasse largement ce cimetière où nous nous trouvons. Il est vivant en chacun de nous présents ici, mais aussi chez tous ceux qui continuent la lutte aujourd’hui à travers le monde. Les héritiers du Groupe Manouchian et de Pierre Overney se trouvent dans les grandes tours des quartiers, dans les campagnes et les montagnes d’Amérique Latine, dans les collines de Turquie, dans les forêts et les jungles d’Inde et des Philippines, partout où le peuple en lutte relève la tête et affirme haut et fort : « On a raison de se révolter ! »

FIN

En annexe, camarades et amis, nous voudrions vous lire deux lettres. La première est composée d’extraits de la lettre de Missak Manouchian à Mélinée, sa femme, avant sa mort. Elle démontre tout son internationalisme et son héroïsme. La deuxième est une lettre de l’ouvrier bulgare Lutibrodsky, condamné à mort par la dictature en 1934, à son père. Cette lettre a été diffusée à des milliers d’exemplaires à l’époque comme exemple de la lutte implacable contre la bourgeoisie et le fascisme.

« Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,

Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.

Je m’étais engagé dans l’Armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense.

Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous… J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse.

[…]

Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait de mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine.

Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.

Manouchian Michel »

« “Cher Père !

J’ai reçu votre lettre il y a quelques jours. Vous me conseillez de tout faire pour échapper à la potence. Et vous écrivez : “Fais-le aujourd’hui, car demain il sera trop tard”. Ne comprenez-vous pas que cette proposition n’est pas le salut mais une mort certaine, même s’il me reste la vie ? Pour que vous compreniez cela, il est nécessaire d’examiner la question en profondeur. Actuellement, la bourgeoisie a réussi à porter des coups sévères au prolétariat et à son parti. Mais cela signifie-t-il que la domination de la bourgeoisie est stabilisée et que la victoire finale n’appartient pas au prolétariat ? Non ! Si ce n’est pas aujourd’hui, du moins demain, le prolétariat vaincra la classe moribonde et, grâce à son parti, fera avancer le développement de la société humaine. Nous, fils de cette classe montante et membres de son avant-garde consciente, nous ne devons pas craindre pour notre vie et sacrifier, pour cela, le prestige du Parti.

Quel besoin avons-nous de notre vie, Père, s’il nous appartient de rester des cadavres vivants à l’aide desquels la classe réactionnaire en déclin s’efforcera de faire dépérir les rangs du prolétariat révolutionnaire et se servira de moi, qui aurai cessé de vivre, pour prolonger sa propre existence ? Non ! Je préfère mourir et rester vivant dans le cœur de ma classe ! Mieux vaut mourir que d’être un cadavre vivant et puant !

Bon, me direz-vous, mais pense à Mara et Ilitch [1]. Que feront-ils sans toi ?”. Je pense beaucoup à eux, mon père. Moi-même, je ne sais pas comment leur exprimer mon amour. Quand je pense à eux, une immense amertume s’empare de moi et je sens comme du plomb dans ma poitrine. Une souffrance qui m’oblige à serrer les dents si fort qu’elles grincent, et pourtant à me promettre de résister, de conserver mes forces et de continuer à lutter jusqu’au dernier moment, soulevé contre la classe qui est responsable, non seulement du fait que mon Ilitch n’a pas vu son père et que ma compagne reste sans moi, mais aussi, du fait que des millions d’autres familles doivent vivre dans la misère, les privations et la faim.

Devant les millions de chômeurs, devant le danger d’une nouvelle guerre [Note : se réfère à la guerre mondiale impérialiste], dont le cerveau humain ne peut concevoir l’horreur, devant les millions de victimes qu’elle massacrera, non seulement parmi les soldats, mais encore parmi les femmes et les enfants, car les gaz asphyxiants, les bacilles de la peste et du choléra ne choisissent pas de victimes, devant toutes ces horreurs, que le capitalisme nous apporte et nous apportera encore, de quel droit donnerais-je à l’ennemi une arme contre nous tous, dont il suce le sang ? Non ! Je ne peux pas le faire ! Pour cet état maudit du capitalisme, je ne vois pas d’autre issue que celle indiquée par mon Parti et cette issue mène à la libération économique et politique complète du prolétariat et des travailleurs. Ma vie a été une lutte, une lutte pour imposer cette solution. Et si la bourgeoisie bulgare entend me condamner à mort, cela signifie que je suis resté un fils fidèle de ma classe, un fils fidèle de mon Parti. Et cela vous suffira, à Ilitch et à Mara. Oui, la mort ; mais Ilitch saura pourquoi son père s’est battu et est tombé dans ce combat ; il saura qu’il a préféré tomber dans le combat que de se couvrir de honte, de grouiller sur vous, et sur ce fils que je n’ai jamais vu. C’est vrai, c’est dur de s’attendre à la mort à tout moment, de frémir au moindre bruit, de compter leurs pas… Les voilà, ils viennent vous emporter. Votre cœur bat à tout rompre. Mais les pas s’éloignent et vous tombez sur le lit, comme un fruit mûr qui tombe de l’arbre. Et les nerfs ne le supportent pas… Et on appelle la mort, la mort salvatrice. L’agonie est terrible, la mort ne l’est pas !

Et, précisément à ce moment-là, l’ennemi essaie de me faire rejeter toute mon activité passée. Et vous savez, Père, qu’il a déjà essayé plusieurs fois cette tentation pour pouvoir triompher ensuite : “Voyez ! Encore un fils prodigue qui revient à la raison, qui regrette ce qu’il a fait !”. C’est par de telles ignominies que l’ennemi veut affaiblir la foi dans le Parti et prolonger l’existence de cette classe nuisible à la société. Non, je ne participerai pas à ce jeu ignoble !

Cela ne signifie pas pour autant que je me laisserai faire sans rien faire. Bien sûr, tout doit être fait pour me sauver. Mais attention à ne pas donner à l’ennemi des arguments contre le Parti. Le mieux est de mobiliser l’opinion publique contre ma condamnation à mort.

Je marcherai calmement et joyeusement vers la potence avec la conscience de n’avoir, dans ma courte vie consacrée à la lutte pour la liberté, souillé ni le nom de mon Parti, ni votre nom.

Et, avec la corde autour du cou, je vous crie : Tête haute, père, femme armée, mon fils que je n’ai jamais vu ! Camarades, en avant ! Bien que payée de durs sacrifices, la victoire est à nous ! Celui qui est prêt aux sacrifices aura la victoire ! Physiquement morts, les combattants vivront dans la conscience du prolétariat victorieux. Et leurs enfants récolteront les fruits de la lutte que leurs pères ont menée. Toi aussi, mon petit Ilitch, que je ne peux embrasser ni pour la première ni pour la dernière fois.

Jurdan Lutibrodsky.” »

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